Poème désertique 2

les mêmes rues
les mêmes différences
les mêmes regards
les mêmes fringues
les mêmes rêves
vingt vingt
quand on croise quelqu’un
ses désirs sont les miens
ses malheurs sont les miens
son bloom est le mien

souvenir

la première fois que j’ai compris que l’actualité était une réalité
c’était pendant l’évacuation de NDDL
Ça faisait 20h qu’on se battait
dans la boue
on était trempé
assoiffé et affamé
je tremblais putain
incapable de rouler une clope
je n’arrivais pas a pleurer
putain comme j’aurais aimé pleurer
pour autre choses que les lacrymos
Devant mes yeux des images
de blessé de coma de bras cassé
de cris d’horreur et de rage
de vomi
et des explosions
interminables et continue
tu sais j’y ai pensé à la guerre
salut ancêtres
pendant 3 jours
j’ai compris je crois
ou du moins je l’ai aperçu
la guerre
c’est moche vous savez
c’est sale
ça brise le mental et corps
y’as pas de héros pendant la guerre
que des gens
enragé
et quand j’ai ouvert mon téléphone
des articles, des lives, des photos, des vidéos, des déclarations
du spectacle
un message aux potes
Et je l’ai éteint
Et j’y suis réparti
parce que tu sais
un article ça se change
par l’action
alors le mec de BFM
il a du se racheter un costard
et le keuf il aurait dû s’acheter une morale
ça lui aurait évité les brûlures

beauté

une buse
on vit devant chez elle
Elle sait où on vit
nous non
elle mange autour de chez elle
de temps en temps
un éclair brun
plonge sur un champ
remonte avec une souris
et plane

plane

coup d’aile
et ça plane

fleurir

Ça vrille
Ça vrille
Et l’État
paniqué
comme un lapin devant les phares du futur
regarde les yeux écarquillés
sa propre fin
secondes séparées du temps
avant le vide
ça vrille
ça vrille
ce monde vrille
se tort
s’essore
Et évacue
ce qui bloque
ce qui ralentit
ceux qui mentent
ceux qui bloquent
désabotage
Réglons nos machines
désirantes
productives
idéologiques
en y enlevant
ceux qui bloquent
nous empêchent
nous limitent

sans eux, la fin du désert deviens possible

16 mars

Un seize mars deux mille vingt
ça y est c’est le confinement
il l’as pas dit ce mot le mec a la télé
« confinement »
c’est comme violence policière ça
si on en parle pas ça existe pas
les gens paniquent
métropole
comme une fourmilière
ayant pris un grand coup de pied
une belle panique collective
et le mec a la télé il parle
et il parle et reparle
à travers une caméra
alors que les keufs et les militaires
nous on les voit
en vrai

des ami.e.s fuient la métropole
la campagne en groupe de pote
d’autres restent pour leur famille
et le poète
déborde
il a neigé
depuis quelques jours
et les flocons ne semblent plus s’arrêter

et les rues vides me rappellent

le silence

que seule connaissent

les montagnes

pourtant ici les immeubles sont plein
tous les humains du monde
vont rentrer chez eux
et cela changera tout

enfermement anthropologique

que sera demain
ce que l’on en fera
alors déjà

partout

la solidarité

émerge

l’armée de la terre

Depuis ces siècles
passés sur cette plaine
Avec moi, un petit bosquet
quelques arbres une mare un écureuil et une bonne terre, riche
de temps en temps des chevreuils passent me saluer
j’ai aussi une pie bien caché
De temps en temps des humains passent me saluer
s’allonger sous mes racines
aimer et être aimer
Mais jamais
au grand jamais
je n’avais vu un bazar pareil
Au nord, des grillages
plus haut que moi
et des barbelés sur plusieurs mètres
Derrière
des hommes
même vêtements même arme même coupe de cheveux
des voitures de métal des lampes torches
des bruits de moteurs et d’explosion
Au Sud, à la lisière de la forêt
une variété de choses
plus inattendu les unes que les autres
Il y a beaucoup d’humains
t des chiens
des chats des sangliers des cerfs des chevreuils des hirondelles des renards des écureuils des loups des chevaux des poules des taupes
les humains ont des cheveux longs ou courts
des dreads des couettes des queues de cheval
n ne sait combien ils sont, cachés par la forêt
Et d’un coup ils sortent
cours crient piaillent brament volent aboient
ça cours partout du sud vers le nord
Je me noies dans la foule
Je me met à courir
à crier
ma sève ne fait qu’un tour
Que j’aimerais vous aider armée de la Terre
si vous saviez que les arbres rêvent de vous rejoindre
Cette foule plurielles cours
comme si le futur était derrière ce grillage
et puis le contact arrive
Nous arbres sommes trop lents
pour retenir ce qui c’est passé après
Mais deux heures plus tard ma douce prairie
avait perdu son gazon
Des cadavres sont brûlés au loin
la foule pleure tremble
les yeux dans le vide
et le moral brisé
tu souffres armée de la Terre
Les pupilles de tes membres sont creusées
par la violence et le sang
Tu rêves armée de la terre
de ton chez toi
espérant le revoir un jour
Et quand le soleil se couche
un grillage est tombé
Et la foule continue
poussée par une étoile lumineuse
Mon ami écureuil est parti avec eux
sans hésiter sans réfléchir
Fais attention écureuil
car les humains sont cruels
Et l’armée de la Terre les terrorisent

Il neige

Il neige

 

Il neige
Et le monde devient silencieux
Les oiseaux cachés
Les humains frigorifiés
Les voitures paralysées
Plus aucun bruit

Il neige
Elle bloque tant de flux qu’elle
nous libère du mouvement perpétuel du monde

Il neige
Et les yeux brillent
Les mots brillent
Les poèmes brillent
lumineux

Le Mur

Le Mur

 

Le lierre envahissait
peu à peu
Le Mur
En bas
des plantes
qui avaient ouvert le goudron
comme une faille dans l’absolu du mineral
En haut
le nid d’une hirondelle
ici elle est protégée
A la seule fenêtre qui ouvrait
Le Mur
Le bloom
dans son superbe

Et en quelques secondes une ombre
Qui colore le mur
Le lierre déteste
cette peinture chimique
Les blooms détestent cette salissure
L’hirondelle est en Afrique
Ou elle profite d’un soleil brûlant

À la peinture verte
Une inscription
« TOUT POUR TOU.T.E.S »

Micro

Micro

Une scène
Un public
Un homme
Un micro

L’homme prend le micro et parle
et parle
parle
et parle

Le public l’écoute
l’écoute
s’ennuie
s’agace

Et l’homme parle
parle
et parle
encore

Le public le hue
le siffle
l’insulte
le supplie

Et l’homme parle
parle
et parle
et reparle

Alors le public
se lève
monte sur la scène
à l’assaut du ciel

Et l’homme parle
et parle
et parle
parle encore

Le public le haï
Le public le frappe
Le public casse le micro
Le public s’assoit sur la scène

Iels regardent les bancs vident
le silence
Maintenant, que faire ?

Docteur

« Docteur aidez moi
j’ai un bourdonnement
aux oreilles, permanent
La nuit j’entends le bruit des hélices
Des paquebots et supertanker
Le jour la file de camion incessant
sur l’autoroute
Et le dernier gazouillement des oiseaux
Que j’ai entendu
Était sur Youtube

Docteur aidez moi
j’ai les yeux
éblouis constamment
Par les milliards de lampadaires
couvrant la Terre
Par les télés et les téléphones
qui zappent et scrollent
Je ne vois même plus la nuit
Et l’horizon me manque

Docteur aidez moi
Je n’arrive plus à
déguster
en pensant aux tonnes de fast food
englouti à chaque seconde
En imaginant les animaux découpé
mixés et moulé en steak ovales
En sachant que Coca pille
l’eau des derniers peuples relativement libres
Et que le reste des rivières sont polluées

Docteur aidez moi
J’ai oublié les odeurs de pluie
dans la forêt
L’odeur de la mer
et l’odeur du feu de camp
Je ne remarque même plus
L’odeur des voitures
du javel
du café en machine
Et des lacrymogènes

Docteur aidez moi
Car mes mains ne sont plus sales
Car dans mes rêves
Je me met une écharde
J’ai de la terre plein les mains
Et de l’eau dans mes chaussures
Et en me réveillant
Je ne tiens que
du béton
du plastique
des humains
ou du métal
Froids et parfaits
Taillés au carré
sans égratignures »

« Je ne peux pas guérir ça. »

« Vous, aidez nous. Car les docteurs sont incapables de guérir les maux de l’époque »